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Usage : de nouvelles précisions sur l’interprétation de l’article L. 631-7 (Cass. 3ème civ. 28 mai 2020 n°18-26.366)

Immobilier – Habitation – Construction

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L’usage d’un immeuble, situé dans un secteur où les dispositions des articles L 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation sont applicables, est un sujet majeur dont l’appréciation préoccupe les acteurs de l’immobilier.

La gravité des sanctions, conjuguée avec la difficulté de démontrer, par tous moyens, la régularité de l’usage à la date de référence fixée au 1er janvier 1970, donnent systématiquement lieu à la recherche et à l’étude méticuleuse des informations disponibles.

Cette vigilance est maximale à Paris où les services municipaux font preuve d’une rigueur particulière lors de la considération de la régularité de l’usage « autre qu’habitation » et de son évolution au fil de la vie d’un l’immeuble. S’il en était besoin, la complexité inhérente au thème est renforcée par une jurisprudence à l’interprétation souvent ténue, voire véritablement ardue (confer notamment CE 5 avril 2019 n°410.039).

Tant et si bien que, plus de quinze ans après l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 8 juin 2005, chacun espère l’apparition, au travers de la jurisprudence, de lignes claires permettant une application plus sereine du dispositif en vigueur.

En ce sens, il semble apparaitre des magistrats de la Cour de Cassation une nouvelle modalité d’appréciation de l’usage d’habitation au 1er janvier 1970 ainsi que des effets attachés à son évolution postérieurement à cette date.

Dans l’arrêt dont il est question, qui fait suite à deux autres rendus par la même chambre sur ce thème, le 28 novembre 2019 (n°s 18.24157 et 18.23769), la Ville de Paris contestait la régularité de l’usage autre qu’habitation d’un local, en raison de son affectation à l’habitation (antérieurement et) postérieurement à 1970.

Connaissance prise des éléments produits par la Ville à l’appui de sa revendication : (i) le règlement de copropriété de l’immeuble de février 1955 désignant le bien comme une habitation, (ii) une déclaration modèle « R » du 20 novembre 1970, sans mention de l’usage du local, et (iii) un acte de vente de 1980, faisant mention d’habitation, la Cour de Cassation a débouté la Ville et rejeté son pourvoi, en motivant son raisonnement ainsi :

[…]

  1. Aux termes de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, un local est réputé à usage d’habitation au sens de ce texte s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970.
  1. Il en résulte que la preuve que le local a été affecté à un usage d’habitation postérieurement à cette date est inopérante.
  1. La cour d’appel, appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a retenu, souverainement, que les éléments produits par la Ville de Paris ne permettaient pas d’établir que le local était à usage d’habitation au 1er janvier 1970 et, à bon droit, que la preuve d’un usage d’habitation lors de l’acquisition par Mme I… de son appartement le 2 avril 1980 était inopérante.
  1. Elle en a exactement déduit que la Ville de Paris ne pouvait se prévaloir d’un changement d’usage illicite au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation.

[..]

La Cour de cassation rappelle, dans cet arrêt, qu’un local est réputé à usage d’habitation au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, la preuve d’une affectation de fait à cet usage postérieurement à cette date étant inopérante.

En d’autres termes, l’arrêt nous apporte les enseignements suivants :

  • l’alinéa 3 de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation n’est pas une présomption d’usage d’habitation : il faut établir la preuve que le local était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 ;
  • il importe peu que le local ait été affecté à usage d’habitation postérieurement à la date du 1er janvier 1970, si aucune autorisation administrative n’a été obtenue pour en changer l’usage. Seul compte l’usage du local au 1er janvier 1970 ;
  • la charge de la preuve incombe à celui qui prend l’initiative de la contestation, en l’espèce la Mairie de Paris : faute pour cette dernière de pouvoir prouver que le local était à usage d’habitation au 1er janvier 1970, il est réputé être à usage autre qu’habitation au sens de la réglementation.

Souhaitons que la lutte engagée par la Ville de Paris à l’encontre des locations de courte durée, qui donne actuellement lieu à une intensification du contrôle et du contentieux, permette, à court ou moyen terme, de faire émerger une grille d’appréciation précise, de nature à sécuriser l’interprétation.

Be screeb