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Baux dérogatoires successifs vs statut des baux commerciaux. Des précisions sur l’application de l’article L 145-5 al.1 du Code de commerce

Immobilier – Baux commerciaux – Code de commerce

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Le statut des baux commerciaux est applicable, malgré la renonciation du locataire à s’en prévaloir, dès lors que la durée cumulée des baux dérogatoires excède trois ans. 

Le principe :

Par application de l’article L145-5 al. 1 du Code de commerce, les baux dérogatoires permettent de déroger au statut des baux commerciaux « à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans ».

Des précisions sur le calcul du délai de trois ans et sur la renonciation du locataire à se prévaloir du statut des baux commerciaux :

Dans un arrêt du 22 octobre 2020[1], la troisième chambre civile de la Cour de cassation vient préciser que les baux dérogatoires, conclus à compter de l’entrée en vigueur de la Loi Pinel, ne doivent pas avoir une durée cumulée de plus de trois (3) ans à compter du premier bail dérogatoire concédé pour l’exploitation d’un même fonds dans les mêmes locaux.
La Cour de cassation vient également préciser que ce délai court à compter de la prise d’effet du premier bail dérogatoire.

En l’espèce, bailleur et locataire avaient conclu, successivement et sans interruption, des baux dérogatoires portant sur l’exploitation d’un même fonds de commerce dans un même local.
Aux termes de chacun de ces baux, le locataire avait renoncé à se prévaloir du statut des baux commerciaux.
En date du 1er juin 2013, un bail dérogatoire est consenti au Locataire, qui occupait déjà les lieux à cette date, pour une durée de vingt-quatre (24) mois suivi d’un autre bail dérogatoire consenti pour une durée d’un (1) an.
À l’issue de ce délai, le bailleur n’ayant pas souhaité renouveler le bail, le locataire a revendiqué l’application du statut des baux commerciaux en se fondant sur l’article L145-5 du Code de commerce (dont les nouvelles dispositions étaient entrées en vigueur avant l’issue du premier bail dérogatoire).
Le locataire soutenait qu’il convenait de prendre en considération l’ensemble des baux dérogatoires conclus pour le calcul du délai de trois ans tandis que le bailleur arguait du contraire.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel donnant raison au locataire et vient préciser que le bail conclu après l’entrée en vigueur du nouvel article L145-5 du Code de commerce doit « répondre aux exigences de ce texte et, par suite, ne pas avoir une durée cumulée avec celle des baux dérogatoires conclus précédemment pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux de plus de trois ans courant à compter de la date d’effet du premier bail dérogatoire ».

Elle juge qu’une succession de baux au-delà de la durée autorisée n’est plus possible et ce malgré la renonciation du locataire à bénéficier du statut des baux commerciaux.

Certains auteurs voient dans la décision de la Cour de Cassation un revirement de la jurisprudence antérieure qui prévoyait qu’une partie à un contrat pouvait toujours renoncer au bénéfice de règles d’ordre public de protection édictées dans son intérêt, s’il s’agissait de droits acquis.
Cette règle permettait de conclure un nouveau bail dérogatoire lorsque le locataire, se maintenant dans les lieux, avait renoncé au droit de bénéficier du statut des baux commerciaux[2] et pouvait ainsi conduire à une succession ininterrompue de baux dérogatoires.

[1] Cass. 3e civ. 22 octobre 2020 n°19-20.443 FS-PBI, X. c/ SCI la Cadène

[2] Cass. 3e civ. 10 juillet 1973 n° 72-11.005 : Bull. civ. III n° 475, et Cass. 3e civ. 5 avril 2011 n° 10-16.456.

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