Réforme du droit des sûretés (2) : la digitalisation des sûretés
Financement – Immobilier – Contrat – Digitalisation
Temps de lecture | 5mn
Financement – Immobilier – Contrat – Digitalisation
Temps de lecture | 5mn
Le Droit des Sûretés organise les principales garanties que peut apporter un débiteur à un engagement. Cette matière concerne principalement les financements des opérations immobilières et plus largement toute sûreté conférée dans le cadre d’un contrat (CPI, Vefa, etc.).
Cette matière a été réformée par l’ordonnance très attendue du 15 septembre 2021 publié au Journal Officiel de la République Française du 16 septembre 2021. Screeb vous propose de comprendre les enjeux et l’impact de cette réforme par plusieurs articles synthétiques.
Deuxième volet : la digitalisation des sûretés
L’objet de la réforme
L’actuel article 1175 alinéa 2 du Code Civil fait exception au principe selon lequel la forme électronique est normalement possible pour conclure un contrat dont la validité est subordonnée à la rédaction d’un écrit sous seing privé, en maintenant l’exigence du format papier pour les « sûretés personnelles ou réelles, de nature civile ou commerciale, sauf s’ils sont passés par une personne pour les besoins de sa profession ».
La Loi PACTE avait, dès 2019, habilité le Gouvernement à « moderniser les règles du code civil relatives à la conclusion par voie électronique des actes sous signature privée relatifs à des sûretés réelles ou personnelles afin d’en faciliter l’utilisation ».
En application de cette loi, l’ordonnance portant Réforme du Droit des Sûretés abroge purement et simplement de l’alinéa 2 de l’article 1175 et lève donc l’interdiction des actes sous signature électronique pour toutes sûretés personnelles ou réelles, à compter du 1er janvier 2022.
L’apport de la réforme
Bien que présentée comme une nouveauté introduite par la réforme, la dématérialisation des sûretés est familière des pratiques bancaires, introduite par l’ordonnance n°2020-534 du 7 mai 2020 sur la période d’urgence sanitaire, qui prévoyait ainsi qu’aucune nullité ou inopposabilité ne pouvait être opposée « à l’occasion de (…) la formation de tout autre acte destiné à assurer la préservation des (…) garanties ou sûretés réelles ou personnelles afférentes au crédit (…) ».
Les sûretés concernées ( « sûretés réelles et personnelles constituées par acte sous seing privé ») sont les sûretés telles que le gage, le nantissement de titres ou encore le cautionnement.
La protection apportée par le papier dans la conclusion des actes sous seing privé pour les constituants est préservée, les conditions de forme relatives à chaque sûreté continuant à s’appliquer. Pour exemple, la caution personne physique continuera de devoir apposer une mention manuscrite, qu’elle écrira dorénavant sur son clavier d’ordinateur.
S’agissant des sûretés réelles immobilières (hypothèque ou privilèges), elles ne sont pas visées par le texte, puisqu’elles ne peuvent être constituées que par un acte authentique, lequel peut prendre la forme d’un acte électronique signé devant Notaire depuis plusieurs années déjà.
Les avantages de la réforme
La dématérialisation entière du processus simplifie et facilite la formalisation des sûretés et accroit leur accès aux acteurs étrangers.
Il est mis fin au système hybride qui prévoyait d’un côté la possibilité de consentir à une obligation sous forme dématérialisée, telle la conclusion d’un bail ou la souscription d’un crédit, et de l’autre la nécessité de consentir aux garanties liées à ces obligations, au format papier.
La pratique du double archivage numérique et papier pourrait alors être abandonnée, diminuant ainsi les risques de perte de documentation susceptibles poser difficultés notamment au moment des transferts de ces obligations.
La mise en œuvre de la réforme
Ce nouveau dispositif pourra se heurter à l’absence de dématérialisation totale des actes en lien avec la constitution de sûretés, certaines formalités à accomplir nécessaires à leur opposabilité n’étant toujours pas dématérialisées à ce jour. Par exemple, en matière de nantissements de parts sociales, les greffes des tribunaux de commerce ne semblent toujours pas accepter le dépôt de ces formalités par voie dématérialisée. Il en est de même pour l’enregistrement auprès de la recette des impôts, qui requiert que l’acte électronique fasse l’objet d’une copie sur support papier pour être enregistré. Il demeure donc impossible, à ce jour, de transmettre les actes par voie électronique aux services d’enregistrement.
La dématérialisation des actes constitutifs des sûretés nécessitera pour les entreprises de se doter sur le plan technique d’une solution de signature électronique permettant de sécuriser l’apposition des mentions par voie électronique par les constituants et de garantir que cette apposition ne peut être effectuée que par les signataires habilités.