Confinement : l’exécution des promesses de vente est-elle suspendue ?
Article Immobilier d’entreprise – Cession – Acquisition – Droit des contrats – Immeuble
25/03/20 | temps de lecture 4 min. | Damien Mancel
Article Immobilier d’entreprise – Cession – Acquisition – Droit des contrats – Immeuble
25/03/20 | temps de lecture 4 min. | Damien Mancel
L’article 1er du décret du 16 mars 2020, portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus Covid-19, a limité les déplacements professionnels à ceux qui ne peuvent être différés ou ceux qui sont indispensables à l’exercice d’activités ne pouvant être organisées sous forme de télétravail.
Aussi est-il difficile à ce stade de connaître les intentions du Gouvernement pour les signatures des actes de vente d’immeubles tertiaires. Par précaution, la quasi-totalité des acteurs de l’immobilier a choisi le télétravail en vue de faire respecter le confinement.
La question qui se pose est donc de savoir quel est le sort des promesses dont le délai de réalisation s’éteint pendant le confinement, étant précisé que les conditions suspensives sont toujours pendantes ?
Il conviendra, en premier lieu, de relire les promesses signées afin de connaître les aménagements contractuels éventuellement prévus.
Deux mécanismes pourraient être invoqués en pareille situation : l’imprévision et la force majeure.
Il nous semble que la grande majorité des promesses entre institutionnels exclue conventionnellement l’imprévision, permettant aux parties de renégocier leur contrat dans les conditions de l’article 1195 du Code civil.
En revanche, la force majeure n’est que rarement écartée dans les promesses de vente.
Ainsi, l’article 1218 alinéa 1 du Code civil dispose qu’ « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».
La force majeure peut-elle donc sauver les promesses dont la caducité est programmée ?
La force majeure s’entend d’un événement qui doit (i) échapper au contrôle de l’une des parties, (ii) être raisonnablement imprévisible et (iii) irrésistible.
Pour savoir si le confinement réunit ces conditions, il convient de savoir si ce dernier pouvait ou non être connu au moment de la conclusion de la promesse. Certains auteurs considèrent par exemple que si la promesse a été conclue avant l’apparition du virus en Chine fin 2019, le confinement pourrait constituer un cas de force majeure. Pour d’autres, seuls les contrats conclus avant le confinement italien pourraient bénéficier de la force majeure.
Nous considérons donc que la force majeure s’appliquera vraisemblablement au cas par cas par les juges, au regard des éléments extérieurs connus des parties au moment de la conclusion du contrat.
Dans l’hypothèse où la force majeure serait retenue, quels seraient les effets sur la promesse ?
L’article 1218 alinéa 2 dispose que « Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351‑1 ».
Le confinement constituant un empêchement temporaire, il nous parait probable que les promesses en cours sont à ce jour suspendues, sauf à considérer celles signées à compter des premiers cas connus en France, lesquelles pourraient être frappées de caducité par le juge en cas de contentieux.
Le Gouvernement devrait prochainement prendre une ordonnance qui statuera sur ce point, dans la mesure où le projet de loi « urgence » devrait permettre au Gouvernement de prendre des mesures « adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions ».
Dans l’attente de ce texte, il est impossible, à ce jour, de statuer sur l’application ou non du statut de force majeure à toutes les promesses en cours.
Par conséquent et en toutes hypothèses, il nous semble opportun de :
1/ vérifier le délai de réalisation des promesses en cours ;
2/ s’interroger sur votre souhait de continuer ou non l’exécution de la promesse ;
3/ et, dans l’affirmative, proroger sans attendre toutes les promesses en cours en leur conférant un délai de réalisation le plus tardif possible.